dimanche 8 janvier 2012

Le grand barrage de la Renaissance


Je me suis rendu début décembre à la frontière soudanaise. C’est là que le gouvernement éthiopien a entrepris la construction de ce qui sera (s’il voit effectivement le jour) l’un des plus grands barrages du monde.

 Vol de deux heures en CessnaCaravan, à 1000 m du sol.













Cela permet d’admirer une fois de plus les paysages du nord-ouest de l’Ethiopie : 

Addis et sa banlieue qui s’étend chaque jour davantage, au fur et à mesure que se construisent les condominiums ;


- le plateau éthiopien, où chaque m2 est cultivé (les couleurs ont changé depuis mon dernier survol. Les récoltes sont en cours. 











On distingue les meules traditionnelles qui s’élèvent dans les champs de tef moissonnés.













- des grandes exploitations irriguées en contrebas de quelques lacs naturels ou artificiels. Nous survolons notamment une immense plantation de canne à sucre (plus de 10.000 ha), sans doute possession d’une compagnie indienne ou chinoise
- puis les gigantesques canyons du Nil et de ses affluents, avec des plongeons impressionnants de plus de 1000m.




Le paysage se transforme ensuite rapidement. L’altitude baisse, les cultures laissent place à une savane encore assez épaisse. La piste de latérite construite par l’entreprise italienne en charge de la construction du barrage apparaît.







Après quelques kilomètres de piste, nous arrivons sur le site de la construction du barrage. Nous sommes à une dizaine de kilomètres de la frontière du Soudan. Le Nil paraît une petite rivière. Il ne fait que quelques dizaines de mètres de large à cette saison. En fait, il coule dans une faille. La profondeur du lit est de 40 mètres à cet endroit.  Le débit est important.

Le site est remarquablement choisi. En amont, une plaine immense, presque déserte (quelques centaines d’habitants qui vivent essentiellement de leurs troupeaux et de cultures sur brûlis), entourée par des monts qui ceintureront le futur lac (il remontera sur près de 200km). Au niveau du futur barrage, une véritable cluse qu’il faudra fermer sur 1800 mètres de long. Les travaux sont titanesques. Le barrage fera 1800 m de long et 140 m de haut. Il faut aussi construire une digue de plus de 5 km de long et 60 m de haut qui rehaussera une ligne de crête et fermera le lac. La quinzaine de turbines qui seront installées permettront au barrage de produire deux fois et demie la puissance électrique installée à Assouan.

Près de 1500 hommes travaillent déjà dans cet univers chaud (plus de 40° à l’ombre d’avril à octobre), à des heures de voiture du premier bourg. Ils sont encore installés dans des installations de fortune (des containers transformés). Le village en dur est en cours de construction. Il faudra d’ici quelques mois accueillir près de 12.000 travailleurs, dont plusieurs centaines d’ingénieurs et de techniciens italiens. Les conditions de vie sont rudimentaires mais il y a un petit « touch » italien, notamment dans la cuisine (la pasta est al dente comme il faut et nous buvons un bon Chianti). Je parle avec un jeune technicien italien, originaire de Rome. C’est son premier chantier outre-mer et il a un gros blues après un mois passé là. Illui reste quatre mois à faire (en travaillant sept jours sur sept) avant de retourner pour cinq semaines au pays. En dehors du travail et des heures passées à regarder la télé italienne, les DVD, à lire ou à surfer sur internet, il n’y a rien à faire ici.

Les travaux engagés sont impressionnants. Plusieurs dizaines de mètres de sédiments ont déjà été retirés (500.000 T) et le socle granitique sera atteint dans quelques semaines. Les explosions pour dégager la roche sont quotidiennes. Dès que la fumée et la poussière se dissipent, plusieurs pelleteuses gigantesques s’empressent de remplir des camions de 60 T de gravas.

Les études géologiques ont été effectuées (plusieurs tunnels profonds creusés dans les collines sur lesquelles sera adossé le barrage). Un grand pont, qui sera en aval du barrage, est en cours de construction. Surtout, une immense usine est en construction : elle fournira 2000 T par heure de gravier concassé (on met de blocs énormes à un bout, on récupère des graviers de 2 mm) et réfrigéré. Je comprends qu’il s’agit d’une technique de bétonnage particulière qui permet de construire rapidement un barrage. Les graviers réfrigérés se dilatent ensuite.

Si le gouvernement réussit à financer ce projet colossal (au moins un an de PIB), alors que la communauté internationale a refusé jusqu’à présent de le faire, le barrage sera mis en eau à partir de 2014. C’est désormais un véritable en jeu politique national. Le remplissage du lac mettra sans doute plus de dix ans. Le rythme du remplissage est aussi un enjeu diplomatique. Des négociations sont engagées avec les pays de l’aval, Soudan et surtout Egypte, qui s’inquiètent de la quantité d’eau qui sera prélevée.

1 commentaire:

  1. passionant, Merci de votre récit précis et sans superflu.
    Pousuivrez vous le suivi de ce chantier?

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