Pour les vacances de noël, nous avons envie de chaleur et de mer. Le climat à Addis est agréable, ensoleillé mais la température ne dépasse pas les 24° dans la journée et en décembre, les nuits sont très fraîches. Dès la tombée du soleil, vers 17h30, les températures baissent et nous ne pouvons pas rester dehors le soir. Plusieurs matins, le thermomètre flirtait avec les 3-4 °. Bref, on veut avoir le luxe de passer noël en short et en T-shirt, ce que nous n’avons jamais fait jusque là.
Djibouti est à un peu plus de 1000 km d’Addis par la route. Au moins 14h de route, sans doute davantage compte tenu de l’importance du trafic des camions. Djibouti est en effet le seul accès à la mer pour l’Ethiopie (85 millions d’habitants) depuis l’indépendance de l’Erythrée en 1993. La fermeture de la ligne de chemin de fer entre Djibouti et Addis, il y a quatre ans, oblige à recourir au seul transport par camion. Il n’y a pas non plus d’oléoduc et tout l’approvisionnement en pétrole du pays passe par la voie routière. Plusieurs dizaines de camions citernes circulent quotidiennement rien que pour alimenter l’aéroport d’Addis. Les milliers de tonnes de matériels nécessaires à la construction du barrage de la Renaissance passent également par ce seul axe : 1100 km jusqu’à Addis, plus de 200km par la route du nord vers Bahar Dar puis plusieurs centaines de km de pistes pour rejoindre le site du futur barrage.
Dans ces conditions, nous choisissons de nous rendre à Djibouti par la voie des airs. En vol direct, il faut un peu plus d’une heure. Malheureusement, à l’aller comme au retour, notre avion fera une brève escale à Dire Dawa. Pour Delphine, ceci rallonge le supplice de l’avion. D’autant qu’après notre décollage de Dire Dawa, le pilote fait demi-tour et nous indique qu’il retourne à Dire Dawa car il n’y a plus de pétrole à Djibouti. Difficile à croire. Vraisemblablement, la compagnie avec laquelle Ethiopian a un accord est en rupture de stock et le pilote ne peut pas acheter du kérosène à un autre fournisseur. Pour Delphine, le voyage tourne au cauchemar (3 décollages et 3 atterrissages, la crainte qu’on nous cache quelque chose). Nous finissons par atterrir à Djibouti au bout de quatre heures. L’air du soir et doux, agréable. La sortie de l’aéroport est longue en revanche. On nous avait dit qu’il n’y avait pas besoin de visa pour nos passeports. Il en fait bien un, comme pour les autres, même s’il est gratuit. Plus d’une heure seront nécessaires pour l’obtenir.
Nuit à la base militaire du Héron où nous avons pu louer des chambres. Atmosphère sympathique et aussi un peu étrange de ces familles de militaires qui recréent un bout de France sur ces quelques hectares à la pointe du golfe de Djibouti. Il y a même un supermarché de l’économat des armées. Nous y allons le lundi matin pour faire quelques courses pour le picnic. Venant d’Addis, on se croit dans la caserne d’Ali Baba alors qu’il n’y a sans doute pas beaucoup plus de choix que dans une supérette parisienne. Nous nous promettons d’y repasser avant notre départ pour faire le plein de confitures « Bonne Maman », de jambon et de fromages. Malheureusement, alors que nous fantasmons pendant cinq jours, tels Pérette et le pot au lait, nous trouverons porte close à notre retour à la base le jeudi soir suivant. Vendredi et samedi sont les jours fériés dans ce pays musulman. Adieu veaux, vaches, cochons, confitures…
Le lundi matin, nous traversons rapidement le centre de Djibouti qui a gardé une allure de petite ville coloniale française et prenons la route vers le lac Assal, à une centaine de km de là, en compagnie d’un chauffeur-guide très sympathique, Aden. Nous faisons le tour du golfe de Tadjourah. Après avoir quitté la route d’Addis après une trentaine de km (la RN1, marquée avec des bornes de type français), nous sommes sur une nationale où le seul trafic croisé est celui des dromadaires et des chèvres.
Le paysage est aride, avec quelques arbustes qui servent à nourrir les animaux.
Nous voyons des hameaux afars, avec les huttesarrondies. Elles sont construites avec une armature en branchages recouverte de nattes tressées avec des palmes séchées. Les villages paraissent plus misérables que ceux que nous avons pu voir dans certains coins d’Ethiopie, posés dans un univers aride et minéral. Nous verrons même des huttes isolées, au milieu de nulle part. Leurs habitants courent dans la journée derrière leurs maigres troupeaux.
Le paysage devient complètement volcanique. Noir, avec des éboulis gigantesques, des fronts de lave refroidie, des failles vertigineuses. La dernière éruption s’est produite en 1978 et avait emporté la route sur laquelle nous roulons. Le paysage est à la fois sinistre et grandiose. Nous quittons la route et empruntons une piste sur une quinzaine de km.
Nous descendons sans cesse jusqu’à arriver au lac Assal.
Nous sommes à moins 153 m en dessous du niveau de la mer. Le point le plus bas d’Afrique et l’une des zones les plus chaudes du continent.
A cette saison, c’est parfaitement supportable (35°) mais les températures montent à 60° à partir d’avril. C’est un ancien cratère immense, occupé par un lac salé. Le sel est un peu exploité (au profit de l’Ethiopie notamment). Il y a des traces d’exploitation mais nous ne voyons aucune activité. Les couleurs sont splendides : blanc éclatant du littoral, vert du lac, noir des contreforts, bleu intense du ciel.
Nous reprenons la route vers Tadjourah. Encore une heure et demi de trajet dans ces paysages volcaniques puis le relief, tout en restant montagneux, s’adoucit un peu et une savane claire refait son apparition à l’approche de Tadjourah.
Nous voyons un groupe de babouins surgir entre deux bosquets au bord de la mer.
Nous arrivons enfin à l’hôtel du Golfe, à l’entrée de Tadjourah. Accueil sympathique, localisation idéale mais chambres très médiocres et nourriture bâclée. Dommage.
Nous aurions dû aller au seul autre hôtel de la région, le CortoMaltese, que nous visitons et où nous dînons un soir. Bien mieux, incontestablement.
De l’hôtel, nous prenons chaque matin une barque pour nous rendre à la plage des sables blancs, à 20 mn de là.
Aux sables blancs, nous trouvons tout ce dont nous rêvions. Une immense plage à peine fréquentée, de l’eau à 26° et, à quelques mètres du bord, un splendide récif corallien. Des milliers de poissons de toutes les couleurs, des forêts de coraux magnifiques, des bénitiers mauves, des raies avec des points bleus presque fluorescents tapies sur le sable (le seul danger car leur piqure est redoutable)… je pense qu’il y a même plus d’espèces que ce que j’ai pu observer à Tahiti.
Les enfants et Delphine, qui se baignent pour la première fois dans une mer tropicale sont émerveillés. Gaëtan nous annonce à plusieurs reprises qu’il n’a jamais rien vu de si beau. Malheureusement, vous n’en verrez rien car nous n’avons pas d’appareil photo sous-marin !
Sur cette plage, il y a des toukouls dans lesquels il est possible de dormir. Je regrette de ne pas l’avoir fait au moins une fois, même si l’on nous dit qu’on se fait bien manger par les moustiques. Mais une nuit à la belle étoile, dans la douceur de la nuit et juste au bord des vagues, ça m’aurait quand même bien tenté. Pour la prochaine fois. En attendant, nous déjeunons chaque jour sur place, à l’ombre du toit de paille.
Tadjourah est une petite ville au milieu de nulle part. Sans doute un ancien village de pêcheur devenu une petite ville de garnison du temps de la colonisation française. Il y a encore un petit fort occupé par l’armée djiboutienne sur une colline qui domine la ville.
Nous décidons de rentrer à Djibouti en prenant le ferry qui traverse le golfe trois fois par semaine en un peu moins de deux heures. Ca tombe bien, il y en a un le jeudi après-midi. L’embarquement se fait dans un chaos hallucinant.
Les passagers qui descendent, les gens qui viennent chercher des marchandises à bord, les passagers qui tentent comme nous d’embarquer, ceux qui amènent un troupeau à bord, les enfants de Tadjourah qui montent sur le ferry pour plonger, d’autres qui se cachent sous la rampe d’accès… les cris, les couleurs, l’agitation… Les quelques gendarmes djiboutiens montés à bord pour remettre un peu d’ordre décident finalement de faire descendre tous ceux qui n’ont pas leur place sur le bateau en donnant quelques coups de matraques, heureusement pas trop appuyés.
Des cris, des rires, un mouvement qui s’esquisse. Le bateau finit par s’alléger de ses hôtes indésirables. Chose incroyable, nous partons même à l’heure.
Le bateau s’éloigne du quai et remonte la rampe d’accès. Des dizaines d’enfants surgissent de ses entrailles et courent vers la rampe qui remonte. L’objectif est de plonger le plus tard possible pour rejoindre ensuite le quai à la nage. Un voisin me dit que c’est à chaque fois pareil, un véritable sport local. J’admire le sang froid du capitaine qui manœuvre prudemment pour éviter tout accident. Scène évidemment inimaginable en Europe….
Arrivée à Djibouti. Vue sur le port qui s’agrandit chaque année, avec notamment un nouveau terminal de containers.
Nouvelle nuit au Héron et retour à Addis le lendemain, à nouveau via Dire Dawa et avec deux heures de retard au décollage. Dur, une nouvelle fois, pour Delphine.
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