dimanche 29 avril 2012

Harar

Après Awash, nous quittons la route de Djibouti en direction d’Harar. Il n’y a plus désormais que quelques voitures et camions. Longues lignes droites dans la savane brûlée et blanche pendant des dizaines de kilomètres, en montant légèrement. 


Puis, une centaine de km après Awash, nous entamons la remontée qui nous fera sortir du rift. La route s’élève nettement. La végétation reverdit. Les premières plantations de café et de Khat apparaissent. 


Nous sommes dès lors pendant plus de 150 km sur une route de crête, entre 2000 et 2500 m d’altitude. Le paysage est grandiose car nous avons en permanence, sur notre droite et sur notre gauche, de vastes perspectives plongeantes sur les champs de sorgo qui ont été moissonnés et qui servent de pâture, sur les champs de café et de khat. 






La campagne est aussi peuplée que sur le haut plateau éthiopien. Partout les toits des huttes et un bourg tous les quinze ou vingt kilomètres.



Après 500 km parcourus depuis Addis, l’arrivée à Harar se fait par l’avenue de Charleville-Mézière, toute pimpante avec ses murs peints en violet et ses bougainvilliers flamboyants.  







Les deux villes sont jumelées depuis quelques années, rapprochées par le souvenir de Rimbaud qui vécut ici les dernières années de sa courte vie, trafiquant entre Harar, Djibouti et Aden.





Harar n’a été rattachée au royaume abyssin qu’à la fin du XIXème siècle, lorsque le sultan de l’époque a été battu par le Ras Makonnen, père d’Hailé Selassié. Considérée comme une ville sainte de l’Islam, la ville tient plus d’une ville arabe que des villes africaines ou des hauts plateaux éthiopiens. Nous avons l’impression d’être dans un entre deux mondes.














La ville a été riche de son commerce entre l’Afrique, le monde arabe et l'Inde. Elle reste une ville de commerce et de trafic intenses.


La visite du Souk nous fait passer du quartier des épices, du café, du Khat, à celui de tissus, de l’électronique, des bassines en plastique (tout est made in Asia). 



Le café et surtout le khat partent d’Harar (et de Dire Dawa) vers Djibouti ou Berbera (au Puntland) ; les camions reviennent chargés de produits importés plus ou moins légalement. 

Le khat est une drogue « douce ». Sa feuille est mâchée dans une partie de l’Afrique orientale et surtout dans toute la péninsule arabique. Son importation est interdite dans la plupart des pays européens, sauf le Royaume Uni (en raison de la présence d’une importante communauté somalie).


La consommation du Khat est d’abord « sociale ». En général, les khateurs se retrouvent dans l’après-midi autour de leurs brassées de feuilles et de tasses de café. Ils mâchent pendant des heures, se collant des boules de feuilles dans les chiques, dissertant sur l’évolution du monde, les affaires, la famille…. Il faut consommer environ 250 grammes de feuilles (dont le prix peut atteindre plusieurs centaines de birrs, soit une fortune, ce qui rend la consommation du khat assez irrégulière pour la majorité des familles) pour en sentir les effets : c’est semble-t-il euphorisant, un très bon coupe-faim, qui repousse le sommeil. 

Mais il semblerait qu’après la douzaine d’heures euphoriques, on passe par une phase dépressive assez pénible.Peu de chance que ça nous arrive : j’ai mâché une feuille et c’est absolument dégueulasse (un jus amse dégage).






Harar donne l’impression d’une ville très pauvre, avec des centaines de marchandes et de marchands allongés dans les rues devant un pauvre bout de tissu où ils empilent quelques oignons, quelques fruits, des bouts de canne à sucre, patientant des heures dans la poussière, de la première prière du muezzin au coucher du soleil,  pour vendre pour quelques birrs leurs pauvres produits. 





Pourtant, je viens de voir dans des statistiques officielles qui viennent d’être publiées qu’Harar est la zone d’Ethiopie où le nombre de pauvres (au sens statistique éthiopien du terme, soit moins de 150 euros de revenu / an / adulte !) est le plus faible (11% de la population contre une moyenne nationale de l’ordre de 25 %).  La pauvreté est en tout cas beaucoup plus visible qu’ailleurs, visible dans l’allure des gens, dans la saleté des ruelles (il est vrai que le manque d’eau est permanent), dans l’apparence des maisons.














































Nous passons la tête chez un torréfacteur, puis dans un petit moulin enveloppé dans la poussière de farine, où travaillent deux hommes et trois femmes qui tamisent. 














Nous traversons la rue des machines à coudre ou des dizaines de tailleurs travaillent à façon.














Harar est fascinante.

Peut être parce qu’on y retrouve les descriptions que l’on peut lire de ces villes commerçantes d’Afrique et d’Arabie au XIXeme siècle, hors les mini-bus et les vielles 404 qui passent dans les rues principales. 















La maison indienne qui héberge le musée Rimbaud



Nous passons la nuit dans une maison hararie, où deux veuves louent quelques chambres aux touristes. Nous y rentrons de nuit, par des ruelles sombres éclairées par la pleine lune. Tout est calme, hors quelques aboiements de chiens. Des gens dorment sous une malheureuse couverture, le long des murs poussiéreux.



Aux portes sud de la ville, chaque soir, le gardien des hyènes s’installe. Il est difficile de dire s’il s’agit d’une tradition ancestrale ou d’une attraction plus récente pour les touristes. 




On nous dit cependant qu’une famille est traditionnellement chargée de donner des charognes aux hyènes pour éviter que celles-ci, affamées, ne s’attaque aux habitants en ville. 










Le spectacle est en tout cas marquant. Dans la lumière de nos phares, nous voyons des yeux brillants qui se dégagent de la nuit noire. Un homme parle aux bêtes, les appelle par leur nom et elles se précipitent sur les bouts de viande qu’il leur tend. 


Les enfants se risquent à le rejoindre et donnent également à manger aux hyènes dont les mâchoires puissantes se referment d’un coup sur la barbaque, dans le ricanement des autres bêtes qui sont dans la pénombre. 








A bientôt......