samedi 5 novembre 2011

Dire Dawa, la bielle endormie.


Addis, le 7 novembre 2012 
De retour d’une mission de deux jours dans la deuxième ville du pays, Dire Dawa, à mi-chemin entre Addis Abéba et  Djibouti. Premier déplacement en avion dans le pays. Un peu plus de trois quarts d’heure de vol pour parcourir les presque 600 km, dans un des nouveaux Bombardier Dash 8 d’Ethiopian Airlines.

Les constructions de nouveaux immeubles autour d'Addis



Le parcours, entre 4 et 5000 m d’altitude permet de profiter du paysage (on n'est guère qu'à 2 ou 3000 m du sol) :









la marquèterie des champs de teff sur le plateau après le décollage d’Addis ;



Puis nous longeons la cassure du rift,  avec ses failles profondes et ses aplombs que j’ai hâte de découvrir depuis le sol ;





Les cultures en terrasse qui descendent le long de ce relief tourmenté disparaissent au fur et à mesure que nous survolons le rift proprement dit.









Le paysage devient alors steppique, avec par endroit des zones de culture irriguée, dans de grandes exploitations (sans doute du coton ou de la canne). Les grandes zones arides que nous survolons sont sillonnées par de multiples oueds, tous à sec. Dire Dawa apparaît dans ce paysage aride, complètement différent de celui que nous connaissons à Addis.


Dire Dawa est une ville qui comprend aujourd’hui entre 4 et 500 000 habitants. Cela paraît cependant difficile à croire car on ne voit ni grands immeubles, ni fortes densités de population et la ville ne paraît pas immensément étendue.





Nous embarquons dans une magnifique vieille 404 et nous rejoignons le centre ville en moins de dix minutes.






Mon programme de la journée est dense : visite de l’Alliance française (créée en 1908, installée dans l’ancienne école française de Dire Dawa, fermée dans les années 70 après le départ des ingénieurs et techniciens français), entretien avec le maire et l’un de ses adjoints, entretien avec le Président de l’Université puis visite de l’hôpital public en compagnie de sa directrice. Le lendemain matin, avant le départ sur Addis, sera plus touristique, avec visites de la gare et de la ville, entrecoupées par une interview donnée à la télévision locale.



La première impression du voyageur qui débarque à Dire Dawa, hors la différence de température avec Addis (une dizaine de degrés de plus car nous sommes environ 1000m plus bas) et l’aridité des environs, c’est le charme et l’apparente douceur de vivre.










Sans doute est-ce parce que nous reconnaissons le charme d’une ville de style colonial français, avec ses larges routes tracées à angle droit et plantées de jacarandas et de flamboyants, avec beaucoup de maisons basses entourées de leur jardin.


L’atmosphère est paisible, avec quelques rues plus animées par le passage des Tchouk-Tchouk qui font office de taxis.









Il y a aussi le quartier musulman, de l’autre côté de l’Oued à sec. Plus chaotique, plus grouillant de foule, avec énormément de commerces, un souk…






La ville est une création du chemin de fer franco (puis djibouto)-éthiopien (CFE).
Les insignes du chemin de fer franco-éthiopien

Le chemin de fer est arrivé de Djibouti en 1908 et la ville a pris alors son essor. Les principaux ateliers étaient là et plus d’un millier de cheminots travaillaient pour la gare. Le chemin de fer a malheureusement commencé à péricliter pendant la période du DERG, après 1974. Plus d’investissements, coupures fréquentes de la ligne en raison des attentats.











Les derniers ingénieurs et techniciens français ont quitté Dire Dawa au milieu des années 70. La chute du DERG en 1991 n’a pas permis de renverser la tendance et la concurrence de la route a commencé à se faire sentir.








Wagon de 1ere classe, avec fauteuil-couchette







Une quinzaine de trains continuaient de circuler quotidiennement jusqu’aux années 90 ; le dernier train pour Addis Abéba est parti en 2007 ; le dernier train pour Djibouti a quitté la gare au mois d’août 2010.









Les cheminots sont pourtant toujours là, près de 600 pour la gare de Dire Dawa. Le gouvernement les salarie : 200 birrs / mois pour les plus mal payés (8 euros), 1800 pour l’ancien directeur régional (un peu moins de 80 euros). Tous continuent de s’activer : pour tromper l’ennui, dans l’espoir d’une reprise du trafic un jour peut être, par amour de leur gare et de leurs trains à coup sûr.


Visiter la gare de Dire Dawa est un moment magique.
















Les ateliers, les machines outils dont certaines ont une centaine d’années, la fonderie, les magasins de pièces détachés, les wagons des années 50, les wagons pour le transport des chameaux,  les vestiges de l’organisation du travail, …





On a sous les yeux un monument d’histoire industrielle qui pourrait encore fonctionner : les chemins de fer français des années 30 transposés sous l’équateur.










Mes interlocuteurs me parlent de leur amour du métier, du compagnonnage qui permettait la formation des nouveaux (on venait de père en fils aux chemins de fer), de la modernité sociale qu’avait apporté le chemin de fer (les logements, la fourniture quotidienne d’un pain de glace aux familles des cheminots, le repas du midi à la cantine…).
La distribution des pains de glace
Le magasin des pièces détachées













Dans quelques mois, dans quelques années au mieux, tout cela aura disparu. La ligne de chemin de fer va pourtant être relancée.










Le pays en a un besoin vital car Djibouti est le seul accès à la mer pour ce pays de 85 millions d’habitants. La route Addis-Djibouti, est saturée de camions (plusieurs dizaines de camions citerne quotidiennement rien que pour alimenter l’aéroport d’Addis, en pleine expansion) et particulièrement dangereuse. Les Chinois viennent de signer un premier contrat avec le gouvernement éthiopien pour construire les 300 premiers km pour un peu plus de 1,2 milliards de dollars.


La voie passera-t-elle par Dire Dawa ?

On le dit ici en croisant les doigts.















Le chemin de fer franco-éthiopien aura en tout cas définitivement disparu.  Le nouveau chemin de fer sera plus moderne, plus rentable, mais surtout sans toute cette histoire que l’on touche du doigt en parlant avec les cheminots éthiopiens, tous francophones (fut-ce a minima), en flânant sur le quai et en regardant les panneaux écrits en français et en amharique.





Il faut souhaiter en tout cas que la vie reparte autour du chemin de fer car la ville souffre depuis de nombreuses années. Il était le poumon économique, celui qui permettait au commerce de s’épanouir, aux quelques entreprises présentes d’exporter. Ces dernières ont fermé il y a quelques années.

De nouvelles s’annoncent, financées maintenant par des capitaux chinois, indiens, turcs, dans le textile, la fabrication de ciment. Des milliers d’emplois sont promis. Dire Dawa espère. Pour l’heure, l’exportation du Khat vers Djibouti et la péninsule arabique est la principale source de revenus, tandis que la contrebande de produits ramenés de Djibouti fait vivre les commerçants locaux.


Ma visite est aussi l’occasion de me rendre au seul hôpital public de Dire Dawa. Un peu plus de 300 lits pour un bassin de population de plusieurs millions d’habitants. Il y a quelques cliniques privées mais accessibles seulement aux plus fortunés ou à ceux qui travaillent dans des entreprises ou dans une administration capables de financer une assurance privée pour leurs salariés, autant dire une faible minorité.  Dans toute l’Ethiopie, il y a environ 3000 médecins et chirurgiens pour 85 millions d’habitants ! La moitié sont à Addis.

Le seul appareil de radiographie, don de la coopération japonaise il y a 20 ans


On a beau s’attendre à ce que l’on va voir, c’est un choc. Les personnels font manifestement de leur mieux pour entretenir et faire tourner leur hôpital, garantissant un minimum d’hygiène là où c’est indispensable.



L’odeur est pénible à supporter, pas du tout celle des produits sceptiques que l’on sent en entrant dans nos hôpitaux. Celle des excréments, de l’infection. Les pauvres gens qui peuplent les lits déglingués dans les salles communes sont manifestement mal en point : accidentés, maladies pulmonaires et tuberculose, SIDA… Les femmes qui viennent accoucher restent souvent des jours à attendre la délivrance, faute de produits pour accélérer le processus.
La salle d'accouchement

Les familles campent à la belle étoile dans la cour de l'hôpital. On ne vient à l’hôpital que lorsqu’on ne peut plus faire autrement. Une seule journée d’hospitalisation coûte un peu plus de 200 birrs (8 euros), soit pour la plupart des habitants de Dire Dawa ou des environs, un quart d’un salaire mensuel. Tout le monde est accepté. Mais le malade aura une dette qu’il mettra plusieurs mois ou années à rembourser.
Je suis heureux de pouvoir annoncer à la directrice que nous allons financer la fourniture de 160 nouveaux lits et le lancement d’un partenariat avec Handicap International en attendant de développer de nouveaux projets. J’espère que nous pourrons développer des liens avec les Hospices civils de Lyon (Dire Dawa est jumelée avec Villeurbanne). Dans une quinzaine de jours, une équipe de chirurgiens français et belges viendra à Dire Dawa, pour la troisième fois, et opèrera pendant une semaine (chirurgie plastique, ophtalmologie si je ne me trompe pas).
Je quitte Dire Dawa après un peu moins de 48 heures avec des émotions partagées. 
A bientôt.
Bises et amitiés à toutes et à tous.
Olivier

Addis, deux mois déjà.

Addis Abéba, le 6 novembre 2011

Bonjour à toutes et à tous,

J’espère que vous allez tous bien. Merci pour tous vos messages qui nous sont parvenus après les derniers envois. Nous les avons lus avec grand plaisir. Pour faciliter les échanges et éviter de surcharger vos boîtes mails, je me suis décidé de suivre l’exemple de Delphine et d’entrer moi aussi dans le XXIeme siècle en créant un blog. Mais ce blog n’est que pour vous, un peu comme un mail.

Ici, un peu plus de deux mois après notre arrivée, tout se passe bien. Nous sommes désormais acclimatés à notre nouvelle vie même si, bien entendu, il nous reste tout – ou presque- à découvrir.





Conduire en ville, faire des courses, devient plus aisé, en étant toujours à l’affut des tuyaux que se passent entre eux les expatriés. Le regard même que l’on porte sur la ville et ses habitants se modifie. Plus habitué, moins choqué, plus curieux et souvent agréablement surpris. Il n’y a rien de beau dans Addis Abéba si ce n’est l’horizon de la ville, fait de hautes collines boisées, découpées par des marqueteries de petits champs et de prairies dont les couleurs tendent à s’éclaircir au fur et à mesure que s’éloigne la saison des pluies.



Et pourtant, la vie qui anime ces rues chaotiques tend à les rendre aussi belles à mes yeux que nos beaux mais souvent trop froids boulevards parisiens.


C’est sans doute cela d’abord ma plus belle impression dans ce pays depuis notre arrivée. La vie collective partout. Les foules d’enfants jouant ensemble avec rien mais manifestement heureux. Les foules d’adultes, dont le quotidien est dur -d’abord survivre !- mais qui ont manifestement du plaisir à être ensemble, qui rient ensemble, qui marchent ensemble en se tenant par l’épaule. Quel contraste avec la tristesse ou l’agressivité d’une rue ou du métro parisien.  

Je ne veux pas idéaliser une situation qu’aucun de nous ne pourrait supporter plus de 24h, faite d’une insécurité réelle, celle qui ne permet pas d’imaginer de quoi sera fait le lendemain, de craindre le pire (l’accident, la maladie qu’on ne pourra pas soigner faute de moyens), et de n’avoir pas ou peu de perspectives à offrir à ses enfants. Mais je ne peux m’empêcher d’admirer simplement des comportements sociaux simples et conviviaux qui ont aujourd’hui malheureusement  disparu dans notre société hyper-individualiste et qui s’ils pouvaient être retrouvés nous donneraient sans doute plus de bonheur et peut être plus de force.

Mais trêve de ces quelques réflexions qui vont vite vous ennuyer pour vous dire quelques mots sur le premier voyage que nous venons d’effectuer hors d’Addis Abéba.

Pour cette première, au volant du Land Rover, nous avons choisi une destination facile. Objectif, la ville de Bahar Dar, sur le lac Tana, à un peu moins de 600 km au nord d’AA. 






On l’atteint par une route asphaltée, globalement en bon état mais avec quelques passages difficiles et surtout des nids de poule monstrueux qui peuvent vous surprendre à tout moment. On fait au mieux en moyenne du 60km/h et il faut être très prudent. Conduite de nuit évidemment interdite. Nous avons donc préféré couper le trajet en deux étapes, avec une nuit à Debre Markos, à mi-chemin, car après 6h dans le LR, tout le monde est fatigué.

Addis Abéba
Sortie d’Addis par une route bondée de voitures, d’ânes, de piétons, de moutons…comme toujours dans Addis. Premier passage justifiant un 4x4 à la sortie d’Addis : la traversée du chantier du périphérique en construction. 300 m de chaos. Puis longue montée sinueuse dans la forêt pour rejoindre le haut plateau, à près de 3000 m d’altitude. Ca fume noir dans la côte. Gare à ne pas rester trop longtemps derrière un camion ou un bus.



Puis, c’est le début d’un long périple sur les longues étendues planes des hauts plateaux éthiopiens. Deux ou trois usines modernes en périphérie : des usines chinoises de transformation du cuir, une cimenterie, chinoise elle aussi.






L'immense campagne éthiopienne, une marqueterie sans fin aux couleurs douces. 










Pas un espace qui ne soit cultivé, jusqu’au plus haut des sommets arrondis qui dominent le plateau. Les forêts ont disparu depuis longtemps. Il reste des arbres autour des fermes et des villages. Il faut en effet préserver un minimum le bois du chauffage et de la cuisson.



Des hameaux faits de huttes en torchis au toit de paille, comme on imagine les cases africaines depuis qu’on a lu Babar, ou de petites maisons, toujours en torchis, mais aux toits de tôle. Beaucoup de maisons neuves d’ailleurs, si l’on s’en tient au bon état de la tôle. La population éthiopienne croît de 2 millions d’habitants par an. Et tous les vingt ou trente km, un gros bourg commerçant, long village-rue.





Parfois des immeubles en construction à l’entrée du bourg. 

Les femmes sont  nombreuses sur les chantiers








Est-ce que cela répond au programme de « villagisation » lancé dans certaines régions pour regrouper des paysans en ville et laisser des terres à de grands exploitants ? Ou bien est-ce là un signe du développement du pays ? Impossible à dire.




Je suis étonné par l’incroyable propreté de ces villages, de ces bords de route. Je compare en particulier avec ce que j’avais vu au Sénégal, aux routes poussiéreuses et couvertes de sacs plastiques accrochés dans les arbustes et les arbres. Ici, tout est propre. Il faut dire aussi qu’un Ethiopien doit polluer mille fois moins que nous. Très peu de produits emballés, très peu d’objets de consommation. Le peu d’emballages qui ne sont pas réutilisés (pas une bouteille ou une boîte qui n’ait son utilisation recyclée) sont brûlés dans des petits tas devant les maisons.






Les prairies comme les bords de route sont rases (il faut dire que le cheptel éthiopien est immense) et propres. Les pauvres huttes ou maisonnettes sont entourées d’une haie d’arbres (le plus souvent des Eucalyptus) qui produisent le bois nécessaire et fournissent un peu d’ombre. 



L’électricité semble arrivée, au moins dans les gros bourgs (mais les coupures sont fréquentes, nous en ferons l’expérience). L’eau courante en revanche est réservée à une minorité ; Nous voyons souvent des femmes et des enfants transportant d’immenses bidons d’eau sur leur tête ou sur leur dos. Chaque rivière traversée nous montre ses rives couvertes de femmes faisant la lessive.


Combien de milliers, de dizaines de milliers de marcheurs auront nous croisé tout au long de ces km ?


Enfants des écoles par centaines dans chaque village, habillés aux couleurs de leur établissement (ça change d’un village à un autre). Deux vagues d’écoliers par jour (ceux qui vont suivre les cours du matin, ceux qui y vont l’après midi), qui marchent ensuite pendant des km et des km pour rejoindre leur maison.




Enfants pâtres, bergers et éleveurs accompagnant des troupeaux plus ou moins fournis de vaches-zébus, d’ânes, de moutons, de chèvres.









Femmes portant sur leur dos d’immenses fagots, ou sur leur tête une pile de foin.














Paysans poussant leur araire.








Groupes de jeunes et de vieux assis au bord de la route et devisant.


Un cavalier parfois, sur un petit cheval avec de beaux harnachements colorés.

Nous traversons aussi un immense marché aux bestiaux. De milliers d’hommes et de bêtes sur une immense pâture à la sortie d’un bourg.









Nous voyons des dizaines d’églises et de mosquées, certaines en construction. La ferveur religieuse des Ethiopiens, chrétiens ou musulmans, est la même partout.




La campagne éthiopienne, du moins celle des hauts plateaux, est incroyablement peuplée. Même quand on se croit seul, il suffit de s’arrêter quelques minutes pour qu’apparaissent rapidement, un, dix, vingt gamins… Nous sommes nécessairement une animation (les « farenj », les étrangers, comme on nous interpelle toujours) et on vient nous regarder, avec curiosité. Dans l’espoir aussi d’une obole          (« money », « pencil »…) mais sans insister plus que ça et sans aucune agressivité.







Après environ 150 km de route, le paysage s’ouvre d’un coup et plonge sur un espace grandiose, immense. Nous sommes au bord des gorges du Nil bleu.



Extraordinaire paysage !

Nous traversons les gorges dans leur partie la plus méridionale. Elles forment une boucle de plusieurs dizaines de km de rayon. A l’est, le Nil descend. Il tourne à nos pieds puis repart vers le nord, en direction de la frontière soudanaise.







L’immense fossé fait environ mille mètres de profondeur et plusieurs km de large. Nous mettrons plus d’une heure pour descendre, traverser le Nil (qui n’est encore large que d’une centaine de mètres) puis remonter sur le plateau en face.

Le haut-plateau éthiopien est en effet un immense écoulement de laves, accumulées pendant des millénaires sur des km d’épaisseur puis fragmentées. Le Nil s’est glissé dans une cassure. Le lac Tana, plus au nord, qui est la source du Nil bleu, semble être quant à lui installé dans un cratère gigantesque (il fait plus de 90 km de diamètre), piqué tout autour de petits cratères à la forme bien reconnaissable.  


Après avoir traversé le Nil et être remontés sur le plateau, la route est franchement mauvaise jusqu’à Debre Markos. 











Mais les environs sont toujours aussi beaux, avec en particulier l’ondulation des champs de tef, (la céréale éthiopienne qui sert à faire l’injerra, la galette qui sert de base au repas) d’un vert tendre en cette saison, de millet, et, en s’approchant de Bahar Dar, de maïs et de tournesol.



Debre Markos est une ville de plusieurs dizaine de milliers d’habitants qui ne présente d’autre intérêt pour nous que d’être à mi-chemin entre Addis et Bahar Dar. Comme beaucoup de routiers, nous y faisons escale, à l’aller comme au retour. Visite de plusieurs hôtels inscrits dans le guide du « petit futé ». Les deux premiers visités sont difficilement fréquentables. Nous en choisissons un troisième moderne d’aspect, vétuste à l’intérieur mais à peu près propre. Ca ira pour cette nuit. Et le restaurant est acceptable.

Arrivée le lendemain en début d’après-midi à Bahar Dar. Il fait plus chaud qu’à Addis (on est 800m plus bas), ce qui permet notamment de profiter des soirées dehors (impensable à Addis). 
Bahar Dar a beaucoup de charme. Une grande ville calme, avec des allures de station balnéaire, de longues avenues plantées de palmiers, une belle promenade le long du lac, des perspectives superbes.


Superbe promenade au jour déclinant le long du lac. Mais il faut penser à l’anti-moustique, d’autant que les avis sur le risque de paludisme divergent.

Nous rencontrons Daniel, sur les conseils d’un collègue. Il sera notre guide attentionné et passionnant durant ces trois jours.

Il nous facilitera aussi pas mal les choses, notamment pour trouver un médecin. Nous aurons besoin en effet d’en voir un pour une nouvelle infection intestinale (décidément le principal problème dans ce pays malgré l’attention que nous portons à ce risque. Les petits Occidentaux que nous sommes sont décidément bien fragiles hors de notre univers aseptisé).

L’occasion de découvrir une clinique / dispensaire privée pas encore achevée. On attend au milieu d’une vingtaine de patients, très pauvres pour la plupart et manifestement mal en point. Nous sommes naturellement un objet de curiosité. Le médecin reçoit à la chaîne mais il est bon clinicien. Une analyse complémentaire puis un antibiotique tiré de la trousse que nous avons prise avec nous.  La consultation et l’examen nous aurons coûté 40 birrs, soit environ 1,5 euros. Mais c’est déjà cher pour les gens qui nous entourent et qui n’ont évidemment aucune assurance maladie.

Nous prenons un petit bateau pour nous rendre sur l’une des 27 îles du lac.

Toutes ont un monastère, regroupant quelques dizaines de moines ou de moniales. Certaines de ces îles sont interdites aux femmes. Nous nous rendons sur l’une des plus éloignées de Bahar Dar, à 3h de bateau.


Longue traversée sur les eaux boueuses du lac, sous un soleil vif dont nous nous protégeons. 





Nous croisons quelques pirogues en papyrus, avec des hommes pagayant lentement mais régulièrement pour faire avancer leur frêle esquif.


La plupart pêchent (du Tilapia et de la perche du Nil principalement). 


Certains font du transport. Nous croisons ainsi une pirogue transportant du bois de chauffage. Les deux pagayeurs auront peiné des heures pour traverser le lac et amener à Bahar Dar un peu de bois dont nous imaginons qu’il ne leur rapportera pas grand chose.




Nous arrivons au monastère de Nerga Selassié. « Selassié » vient de Sost (trois) et veut donc dire « Trinité ».Voilà un mystère linguistique levé !



Nous sommes seuls à aborder le petit débarcadère, à passer la porte de pierre. 

Végétation luxuriante, cris d’oiseaux extraordinaires, atmosphère incroyablement paisible. 

Nous sommes saisis par l’atmosphère du lieu. Nous arrivons devant le monastère, un immense Toukoul.





 A l’intérieur, une bâtisse carrée, réservée en son sein aux prêtres (rite proche de celui des orthodoxes).

Tous les murs sont peints de fresques magnifiques qui datent du XVIIe siècle. Scènes bibliques et de l’évangile facilement reconnaissable. Une vraie BD. Le moine est heureux de voir que je reconnais des scènes bibliques. Un langage commun. Des surprises aussi. J’apprends ainsi que la fuite de Joseph, Marie et Jésus vers l’Egypte ne s’est pas arrêtée là, comme on nous l’apprend, mais qu’ils sont venus jusque sur le lac Tana. « On nous cache tout, on nous dit rien », comme chantait Dutronc.




























Nous visiterons un autre monastère, proche de Bahar Dar. Beaucoup moins beau mais même atmosphère paisible et envoutante, avec le même accueil charmant d’un des moines qui nous fait découvrir son trésor.



















Retraversée du lac et, le soir tombant, arrivée à la sortie du lac qui donne naissance au Nil bleu. Un bel endroit, dont les rives ondulent de papyrus, avec de nombreux oiseaux (canards, aigrettes, « marabout » au cou rouge).





 Une impression vive aussi d’être en un lieu mythique : les sources du Nil.  Et puis le bonheur d’apercevoir pour la première fois deux têtes d’hippopotames sortant de l’eau. Nous nous approchons à une trentaine de mètres mais nous redémarrons sans tarder quand ils plongent car on ne sait pas où ils ressortiront.  Nous ne verrons pas en revanche les crocodiles qui sont pourtant aussi présents dans le même coin.


Le lendemain, nous nous rendons aux chutes du Nil, à une trentaine de km de Bahar Dar après une longue piste poussiéreuse.  Quelques touristes fortement entourés par des enfants, des gardiens de parking, des vendeurs d’eau et de chapeau de paille… Notre guide nous aide à ce que ce ne soit pas trop pénible. Il n’y a en tout cas aucune agressivité, là encore. Un peu pressant, c’est tout.





Nous marchons une petite demi-heure, sous un soleil brûlant (nous avons fait la bêtise de venir à la mi-journée). Chapeaux et crème solaire indispensables.



Et puis nous découvrons enfin ce spectacle prodigieux. Nous avons de la chance car en cette saison, il y a beaucoup d’eau. Dans deux mois, une grande partie de l’eau n’arrivera plus aux chutes, étant déviée par un petit barrage en amont pour alimenter une petite centrale hydro-électrique. Inutile de dire que nous sommes éblouis par la beauté du paysage et du spectacle. 






















En repartant, nous traversons le Nil sur une barque, en amont des chutes. Des femmes et des enfants sont sur la rive. Les unes font les lessives. Les enfants jouent et plongent dans les eaux boueuses du lac.





















Voilà, notre premier petit périple auquel je vous ai convié s’achève.
Nous mettons à nouveau deux jours pour rentrer à Addis. Nous recroiserons ces milliers d’Ethiopiens, ces troupeaux immenses, nous retraverserons les gorges du Nil….






Avant d’arriver sur les hauteurs d’Addis et de retrouver notre maison dans son oasis de verdure. Nous sommes un peu fatigués par ce voyage mais nous avons déjà envie de repartir à la découverte de ce magnifique pays.



A bientôt.

Bises et amitiés.

Olivier

(PS : les photos sont d'Elie, Gaëtan et moi)