mardi 24 janvier 2012

Trois frontières, trois conflits


Mes récits sont émerveillés par tout cet univers que nous découvrons chaque jour. Ils le sont d’autant plus que nous vivons à Addis dans un monde calme, sécurisé. Mais à quelques centaines de km d’ici, nous ne devons pas oublier que la réalité est très différente.


L’Ethiopie est un pays aujourd'hui calme dans un environnement où se concentre une grande part des drames de l’Afrique.

A l’ouest, le Soudan et le Sud-Soudan connaissent depuis des décennies la guerre. Plusieurs millions de morts sans doute. On s’y est intéressé en Occident au moment de la crise du Darfour. Celle-ci n’est pas finie et le Soudan est au bord de l’implosion avec les conflits apparus dans ses Etats du Sud (Etats du Nil bleu e du Sud Kordofan). L’indépendance du Sud n’a pas réglé la crise. Des accrochages ont lieu régulièrement sur la frontière gardée maintenant par des casques bleus éthiopiens (4000 pour une frontière de plusieurs centaines de km). Plus de 25.000 réfugiés soudanais sont aujourd'hui installés à l’Ouest de l’Ethiopie et plusieurs milliers n'ont pas réussi à l'atteindre.

A l’est, la frontière avec l’Erythrée est fermée depuis plus de dix ans. Le dernier conflit éthio-éryhthréen a fait plus de 100.000 morts en deux ans.  La zone est calme en temps normal mais les deux gouvernements s’invectivent et chacun attend la chute de l’autre. C’est à proximité de cette frontière,  qui ferait un peu penser au désert des tartares (on dit que Buzatti s’est d’ailleurs inspiré des paysages de la région pour écrire son livre), qu’un groupe d’une vingtaine de touristes a été attaqué cette semaine durant son sommeil sur les pentes du volcan Erta Ale, dans le désert des Danakils, l’un des territoires les plus hostiles et les plus magiques de la planète. L’origine de cette attaque n’est pas encore connue : groupe anti-éthiopien soutenu par l’Erythrée ? bandits de grand chemin ? contrebandiers en révolte contre le gouvernement ? Cinq touristes y ont laissé leur vie, plusieurs sont gravement blessés, quatre personnes ont été enlevées. Peu probable que nous puissions désormais nous y rendre pendant notre séjour en Ethiopie.

Troisième frontière, troisième conflit. La Somalie n’a plus d’Etat organisé depuis plus de 20 ans. La guerre permanente qui ravage ce pays a fait des centaines de milliers de morts, directement ou par famine interposée. L’année dernière, la conjonction de l’offensive du gouvernement provisoire contre les milices islamistes d’Al Shabaab et la sécheresse, ont provoqué des dizaines de milliers de morts. 160.000 réfugiés sont arrivés en Ethiopie, dans son sud aride.

Je devais me rendre dans un camp de réfugiés somaliens, à 600 km au sud de la capitale. 140.000 réfugiés y sont arrivés en quelques mois au milieu d’un quasi-désert. Le gouvernement éthiopien, les agences des nations unies et les ONG ont pris en charge cette immense foule miséreuse (des dizaines de personnes mourraient chaque jour à leur arrivée). Il faut tout amener (l’eau, la nourriture, l’essence) dans cette zone perdue, à quelques km d’un pays à feu et à sang. Je tenais à y aller pour me rendre compte du travail effectué, des besoins des organisations internationales et des ONG. Mais pour la deuxième fois, j’ai dû y renoncer 48 heures avant en raison d’une tentative d’enlèvement de personnels humanitaires.

Pas d’images pour illustrer ces réalités.  Juste une carte. Peut être un jour prochain pourrais-je illustrer ces quelques lignes car c. ’est aussi l’Ethiopie.

Bises.

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