Notre hôtel "mille étoiles |
Après une nuit passée à la belle étoile, par une trentaine
de degrés, bercés par un léger vent, nous sommes sur pied à l’aurore. Toilette
sommaire, petit déjeuner copieux, départ avant 7 heures. La température
commence déjà à monter.Les premiers bus partent vers la ville.
Notre salle de bain |
Nous embarquons quatre militaires solidement armés au camp
du village et partons pour le désert proprement dit, à quelques kilomètres de
là.
Dans le soleil levant, nous croisons une caravane de
dromadaires qui revient déjà de la « banquise de sel », chargée de
plaques de sel. Spectacle incroyable que nous observons dans le silence.
Les
dromadaires avancent de leur pas lent, accompagnés par les caravaniers qui
échangent quelques propos sonores, sans doute pour commenter la présence de ces
premiers touristes de retour. La caravane s’éloigne lentement. Nous sommes hors
du temps.
Nous reprenons notre route. Le désert a été créé il y a des
centaines de milliers (ou millions ?) d’années. Il y avait ici une mer.
L’activité volcanique du rift et les bouleversements géologiques l’ont isolée
du golfe d’Aden.
La mer s’est progressivement évaporée, laissant place au
désert dans lequel nous sommes, à moins 120 m. Sans doute un phénomène comparable à
celui que nous observons au niveau de la mer morte. Nous devinons les traces de
la mer évaporée. Nous accédons au désert en traversant une zone plutôt
sablonneuse, l’ancienne plage. Puis nous sommes sur la croûte de sel. Elle
mesure de quelques centaines de mètres d’épaisseur à près de 4 km.
Nous roulons sur une piste qui s’est imprimée sur la croûte de sel. De chaque côté, des plaques de sel se redressent, se fracturent. L’effet combiné de la (très faible) humidité de la saison des pluies (quelques heures de pluie dans l’année et surtout des remontées ponctuelles de nappe phréatique alimentée depuis le plateau) et du soleil.
Délavée par une coulée d'eau, la croûte de sel est soudain parfaitement lisse |
C’est là que nous retrouvons les travailleurs du sel. Ils
sont encore peu nombreux à cette période de l’année et ce sont les premiers qui
ont repris le travail.
Ce sont des Afars, qui travaillent là, en plein soleil
de l’aube jusqu’en début d’après-midi avant de charger leurs dromadaires et
d’entamer la remontée hors du rift. Leur activité est millénaire et les
méthodes de travail sont les mêmes qu’il y a des centaines d’années.
Un homme
lève une plaque de sel avec deux perches et l’amène au tailleur. Celui-ci,
inlassablement taille la plaque pour en faire des blocs de 7 kg, uniformes.
Un troisième
homme récupère les blocs pour les ficeler et finalement, peu avant le départ,
les charger sur les dromadaires. Les hommes travaillent dans le silence, dans
une chaleur déjà écrasante. Dans quelques jours, ils seront des centaines à les
avoir rejoints.
Le gouvernement afar a souhaité l’an dernier remplacer cette
exploitation traditionnelle en faisant venir des camions (et sans doute à terme
des pelleteuses). Les caravaniers ont bien fait comprendre qu’ils sortiraient
alors les Kalachnikov et que ce serait la guerre. Un accord a finalement été
trouvé. Les caravanes partent du désert et commencent la remontée du rift
jusqu’à un gros village où la cargaison est chargée sur les camions vers Mekele
et le plateau. Tout le monde semble satisfait, les caravaniers ayant finalement
la possibilité de gagner davantage en n’ayant plus à remonter jusqu’à Mekele.
Combien de temps tiendra cet accord ? Combien de temps cette exploitation
écologique pourra-t-elle perdurer ?
Nous reprenons notre route, avec notre escorte, en direction du Dallol.
Nous poursuivons sur une trentaine de kilomètres de piste.
Au loin, dans les mirages, nous croyons distinguer la forme d’une ville
médiévale, perchée sur son promontoire, avec ses tours et ses clochers.
Le mirage s'estompe en se
rapprochant : point de ville. C'est le Dallol, volcan émergé dans cet océan de sel. Il ne
monte pas bien haut (200 m
peut être), mais il est large.
Nous laissons les voitures au pied et montons au
milieu des blocs de lave concassés, des pierres ponces, des géodes cristallines
et des sculptures de sel.
Arrivés au bord du cratère, le spectacle est
prodigieux. Pas de lave ici. Mais l’eau qui bouillonne sous terre sort en
minuscules geysers chargés de sel, de souffre, de fer….etc créant un paysage de sculptures aux couleurs
éclatantes extraordinaires. Je comprends pourquoi ce volcan est connu dans le
monde entier : il est vraiment exceptionnel, unique.
Le vieux Dallol |
Nos gardes ne nous lâchent pas d'un oeil |
Nous reprenons les voitures et quelques kilomètres plus
loin, nous nous arrêtons sur une grande tâche poudreuse blanche. C’est de la
potasse qui sort ici naturellement du sol.
Nous nous approchons de la source.
L’eau surgit à gros flot, translucide et visqueuse à plus de 200°.
L’un de nous
ne résiste pas à la tentation de l’effleurer l’eau avec un doigt : il en
sera quitte pour une belle brûlure qui le lancera pendant plusieurs heures.
Quand l’eau refroidit, la potasse se solidifie en plaques brillantes avant,
progressivement, de se pulvériser. La potasse est aujourd’hui la vraie richesse
du désert.
Des compagnies canadienne, australienne et indienne créent des
installations pour l’exploiter, en attendant que la route vers Mekele soit
achevée pour en permettre l’exportation. Nous apercevons au loin les points
blancs de leurs puits et de leurs installations.
Des hommes sont là aussi, huit
mois de l’année durant, dans cette fournaise, pour extraire à la terre une
richesse qui servira ensuite pour l’agriculture éthiopienne. Il est prévu
également de l’exporter à l’étranger. Une ligne de chemin de fer va être
construite de Mekele à Tadjourah, sur le golfe de Djibouti.
Un peu plus loin encore, nous approchons d’un petit cratère
dans lequel bouillonne de l’eau ferrugineuse et sulfureuse.
En nous approchant,
nous trouvons plusieurs cadavres d’oiseaux parfaitement conservés, comme
empaillés. Ce sont des oiseaux qui se sont égarés dans le désert et qui se sont
crus sauvés en apercevant un point d’eau. Immédiatement empoisonnés, ils sont
morts rapidement. La chaleur du soleil les a momifiés.
Restes d'un "piscine" de test. La croûte de sel reprend progressivement ses droits |
Il est onze heures quand nous décidons de quitter le désert. Il fait déjà 42° « à l’ombre » (mais il n’y a pas d’ombre).
le village-garnison, au loin, dans un mirage |
C’est supportable car très sec et légèrement venté. Mais l’insolation et la déshydratation nous guettent à tout moment, bien que nous faisions une pause boisson tous les quart d’heure.
Nous retraversons les 30 km de désert, laissons nos militaires à leur garnison du « désert des Tartares » en entamons la remontée vers le plateau.
Vers 13 heures, nous sommes à 800 m d’altitude. Nous
trouvons un petit point d’eau avec un filet de cascade ou nous pouvons nous
« rafraichir » (l’eau est à 30°) et surtout nous dépoussiérer avant
de reprendre notre route.
Nouvel arrêt dans le village frontière entre pays afar et Tigré. Nous laissons nos policiers locaux.
Les enfants, comme toujours, viennent nous voir pour se faire photographier et jouer avec nous.
Sur le plateau, au milieu des champs de tef piquetés de gros
oliviers pluriséculaires, nous croisons plusieurs caravanes de dromadaires qui
rejoignent le désert après avoir passé la saison chaude sur le plateau. Les
dromadaires sont chargés de foin qui leur servira dans les prochaines semaines.
Fin de ce voyage étonnant, hors du temps et de l’espace. Nous sommes partis
deux jours mais avons l’impression d’avoir quitté Mekele une semaine plus tôt.